Contexte
Alors que la ville de Goma (Est de la RDC) est sous le contrôle de l’AFC/M23 depuis un mois, le 26 février, des images montrant une femme alitée, visage tuméfié et yeux arrachés ont circulé sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook et groupe WhatsApp, avec des légendes associant l’acte aux événements dramatiques enregistrés à Goma depuis janvier 2025. Cependant, après vérification indépendante et minutieuse à l’aide de Google Images Search, nous avons constaté que cette image est sortie de son contexte.
Origine de l’infox
L’image a été partagée sur la page Facebook Wazalend / Communiquer Autrement, une page créée le 08 août 2024, qui partage des actualités sur la situation sécuritaire en RDC, comptant actuellement plus de 4400 abonnées. “Elle s’appelle madame Elysée, elle a été frappée, violée, mutilée, ses yeux arrachés en présence de son mari et ses enfants par les éléments du M23 à Goma, pour avoir refusé un rapport sexuel avec un militaire rwandais”, affirme la légende de la publication.
N’ayant pas cru à l’information, un internaute réagit en commentaire et déclare : “Faux et archi-faux, elle n’est pas congolaise et cette photo n’est pas du Congo”. Un autre, ayant cru à l’information, précise : “Et puis ils s’appellent les libérateurs”.
La même information a été partagée dans le groupe WhatsApp Dyn Génération Consciente, créé le 12 décembre 2015, comptant à ce jour plus 800 membres.
Capture de l’infox dans le groupe WhatsApp
Un incident survenu au Nigéria en septembre 2024
Après avoir soumis les images à une vérification via Google Images Search, nous avons trouvé plusieurs correspondances confirmant que cette photo n’a aucun lien avec la situation sécuritaire actuelle à Goma.
La première correspondance provient d’un article publié le 2 septembre 2024 sur le site du magazine nigérian Obaland Magazine (lien archivé). Selon cet article, l’image a été prise à l’hôpital d’Umuahia, dans l'État d'Abia au Nigéria, et illustre une scène de violence conjugale. Un homme y aurait infligé de graves souffrances à son épouse nommée Amarachi Lawrence. L'article rapporte : « D’après les témoignages des habitants, l’acte violent s’est produit vers 1 heure du matin, lorsque Uzor a utilisé un couteau pour arracher les yeux de sa femme. La propriétaire du couple, Madame Lovejane Nwaiwu, elle-même blessée durant le chaos, a raconté les événements atroces ayant précédé l’attaque. Elle se souvient avoir entendu Uzor crier « Odogwu, Odogwu » (qui signifie « puissant, puissant ») la nuit précédente. Troublée par ces cris inhabituels à une heure si tardive, elle avait alors prié pour le couple ».
Par ailleurs, le média Igbere Television, reprend l’image dans un article (lien archivé) du 02 septembre 2024, précisant aussi que Amarachi Lawrence a été victime de violences physiques brutales de la part de son mari, M. Lawrence Chukwunyere Uzor, qui lui a infligé de graves blessures aux yeux pour tenter de les arracher, ainsi que des coupures à la machette et des mutilations génitales. Cette dernière a été admise à l’hôpital d’Umuahia où elle a été visitée par Priscilla Otti, première dame de l’État d’Abia.
D’après The Nation Online, un média indépendant du Nigéria, le gouvernement de l'État d'Abia, par l'intermédiaire du bureau du procureur général de l'État et du commissaire à la justice, a traduit en justice un certain Lawrence Chukwunyere Uzor qui aurait tenté d'utiliser sa femme, Amarachi Lawrence, pour un rituel.
Plusieurs autres médias nigérians ont partagé ces images rapportant les mêmes faits, en l’occurrence Ohafia TV et Royal Blog Officiel. Des faits qui prouvent que l’image en soi n’a aucun rapport avec la situation sécuritaire actuelle à Goma.
Verdict
Ces images montrant une femme victime de violences physiques ne sont aucunement liées à la situation actuelle à Goma (Est de la RDC). Elles ont été prises au Nigéria, dans l'État d'Abia, le 2 septembre 2024, et documentent l'agression brutale subie par Amarachi Lawrence de la part de son mari, M. Lawrence Chukwunyere, qui lui a infligé de graves blessures aux yeux en tentant de les arracher. Dans un contexte de crise, la diffusion d'images hors contexte, peut alimenter la désinformation, attiser la peur et amplifier la panique, notamment dans les régions directement affectées par le conflit en RDC.
Edité par Daniel Makeke